![]() |
Le gouvernement fédéral clame que le nouveau Citizenship Act qu’il propose « protègera la valeur de la citoyenneté ». Un de ses grands problèmes est qu’il pourrait en fait rendre la citoyenneté canadienne plus difficile à obtenir et plus facile à perdre.
Dans une tentative d’introduire des critères de résidence plus strictes, le gouvernement augmente la période de résidence permanente requise de trois vers 4 ans. Bien que cela ne semble pas un changement majeur, les délais de traitement des demandes pourraient s’en voir allongés.
Le scénario suivant arrivera sûrement prochainement : Une étudiante étrangère termine sa maîtrise en trois ans. Elle désire rester au Canada et est une immigrante avec de hautes qualifications, hautement en demande au Canada, mais n’est pas encore éligible à appliquer pour la résidence permanente. Premièrement, elle doit trouver et conserver un emploi stable pour un an. Après avoir fait cela, elle applique pour le statut de résident permanent, qui a une durée de traitement de 1 an. Elle est maintenant au Canada depuis cinq ans, mais aucune de ces années ne compte pour l’obligation de résidence permanente de quatre ans. Sous les anciennes règles, elle aurait reçu un crédit partiel pour les années vécues au Canada comme résidente temporaire. Malheureusement, ceci ne s’applique plus.
Elle est maintenant une résidente permanente, entamant les quatre années qu’elle doit passer au Canada pour faire une demande de citoyenneté. Son employeur canadien lui demande d’aller travailler dans une de ses filiales outre-mer. Malheureusement, sous les nouvelles règles, toute période de temps passée hors du Canada entraînera un délai dans l’éligibilité pour la citoyenneté et pourrait mettre en péril sa résidence permanente. Elle refuse donc cette opportunité de carrière.
Quatre ans plus tard, elle a rempli les critères de résidence permanente et fait sa demande de citoyenneté. Des délais dus à un manque de personnel causent une attente de deux ans avant que sa demande ne soit traitée. Elle a été au Canada durant onze ans, dont six en tant que résidente permanente. Elle ne peut se prétendre Canadienne que maintenant et voter pour les représentants qui collectent ses impôts et prennent les décisions qui affectent sa vie.
Les études indiquent que le plus tôt les gens acquièrent la citoyenneté d’une nation, le plus tôt ils s’investissent dans leur nouvelle société.
En plus de rendre la citoyenneté plus difficile à obtenir, le Bill C-24 la rendra plus facile à perdre. Le projet de loi donne l’autorité au ministre fédéral de révoquer la citoyenneté de ceux trouvés coupables de crimes majeurs, comme le terrorisme. La question problématique que cela soulève est celle de savoir si la révocation de la citoyenneté est l’outil approprié pour prévenir le terrorisme ou pour punir les criminels. Ajouter la révocation de la citoyenneté comme une autre forme possible de punition pour les citoyens de double nationalité est la même chose que créer une deuxième classe de citoyenneté.
La citoyenneté canadienne est une solution, pas un problème. Le Canada a traditionnellement toujours eu des taux de naturalisation très élevés; près de neuf immigrants sur dix sont devenus des citoyens canadiens. Cela a été vu comme une force du programme d’immigration canadien, un signe que les immigrants sont investis dans le Canada et que le Canada est investi dans l’intégration fructueuse des immigrants.
Lorsque les immigrants deviennent des citoyens, ils peuvent voter, se présenter aux élections (et gagner : en 2011, 44 membres du Parlement canadien étaient nés à l’extérieur du pays) et généralement, devenir des membres contribuant pleinement à la société canadienne. De faire passer la citoyenneté d’un outil d’intégration vers une récompense pour un bon comportement – qui peut être révoquée à la discrétion d’un des ministres, à cause d’un mauvais comportement et sans procès – c’est diminuer la valeur et le sens de la citoyenneté pour tous les Canadiens.
En 2011, une étude qui examinait l’attitude des Canadiens face à la citoyenneté a révélé que la citoyenneté était vue comme un stade important vers la pleine intégration dans l’économie et la société canadienne. Le Canada ne réserve pas de droits spéciaux pour les individus nés sur son sol, ou qui ne possèdent que la citoyenneté canadienne. Chaque Canadien est égal.
Source : The Globe and Mail