La Cour supérieure du Québec a donné le feu vert à une action collective intentée par des travailleurs étrangers temporaires contre le gouvernement fédéral. Cette action conteste les permis de travail qui restreignent les travailleurs à un seul employeur.
Le recours collectif, déposé en 2023 par l’Association des droits des travailleuses et travailleurs domestiques et agricoles, basée à Montréal, affirme que les permis de travail « fermés » violent les droits fondamentaux de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment les droits à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’égalité.
Le 13 septembre 2024, la juge Silvana Conte a statué que l’action collective pouvait aller de l’avant. Le groupe visé comprend les travailleurs étrangers ayant obtenu des permis de travail spécifiques à un employeur au Canada après le 17 avril 1982, date de l’adoption de la Charte.
« La cour estime qu’à ce stade préliminaire, il existe des motifs raisonnables de croire que les mesures liant les travailleurs à un employeur sont “manifestement inconstitutionnelles”, ce qui pourrait donner lieu à une demande de dommages-intérêts fondée sur la Charte », a écrit la juge Conte dans sa décision.
Related news
- Les ministres fédéraux reprochent au premier ministre du Québec ses déclarations sur l’immigration au Canada
- Marc Miller Says that the Canada Closed Work Permit is Set for Reform
- Quebec Keeps Immigration Levels At 50,000, Plans French Test For Temporary Workers
Les plaignants réclament une compensation financière ainsi qu’un jugement déclarant que certaines sections du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés sont inconstitutionnelles.
Que s’est-il passé ?
- La Cour supérieure du Québec a approuvé un recours collectif contre les permis de travail fermés, soutenant qu’ils violent les droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.
- L’action en justice, déposée par une association de travailleurs, affirme que les permis spécifiques à un employeur exposent les travailleurs étrangers temporaires à des abus et à l’exploitation.
- Le gouvernement fédéral conteste l’affaire, affirmant qu’elle ne représente pas la majorité des travailleurs, tandis que les plaignants cherchent à inclure les permis délivrés depuis 1982.
- Le recours collectif a ravivé l’attention sur les vulnérabilités des travailleurs migrants, les critiques qualifiant le système de terrain propice à l’esclavage moderne.
Allégations d’abus
Le plaignant principal dans cette affaire, Byron Alfredo Acevedo Tobar, un travailleur agricole guatémaltèque, a décrit les abus qu’il a subis alors qu’il travaillait sous des permis fermés entre 2014 et 2022. Il a travaillé pour trois employeurs différents durant cette période et a signalé des abus psychologiques, du harcèlement, un surcroît de travail, un manque de formation adéquate, des équipements insuffisants et un salaire inférieur à ce qui était prévu.
Les permis fermés sont principalement délivrés aux travailleurs migrants dans des postes peu qualifiés, notamment dans les secteurs de l’agriculture et des soins. Les travailleurs sont liés à des employeurs spécifiques et, en cas de licenciement, risquent la déportation. Les critiques estiment que ce lien avec les employeurs expose les travailleurs à l’exploitation et qu’ils sont moins enclins à dénoncer les mauvais traitements par crainte de perdre leur emploi et d’être expulsés.
Selon un rapport de Statistique Canada publié en mai, un travailleur étranger temporaire sur dix gagnait moins de 7 500 $ par an en 2019.
Réaction du gouvernement
Les avocats représentant le gouvernement fédéral ont soutenu que l’expérience de Byron Alfredo Acevedo Tobar n’était pas représentative et qu’il ne devrait pas représenter l’ensemble des travailleurs dans le cadre de l’action collective. Ils ont cherché à limiter la portée du recours aux travailleurs des secteurs de l’agriculture et des soins, et à restreindre le groupe aux travailleurs ayant reçu des permis après 2017.
Les plaignants, cependant, ont insisté pour que le groupe inclue tout travailleur étranger ayant reçu un permis fermé après l’adoption de la Charte en 1982. La juge Conte a déclaré que la période d’éligibilité des membres du groupe serait déterminée ultérieurement.
Préoccupations concernant le programme
Le recours collectif a attiré l’attention sur les vulnérabilités des travailleurs étrangers dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) du Canada. Un rapporteur spécial des Nations Unies, Tomoya Obokata, a exprimé des préoccupations en 2023 au sujet de ce programme, le qualifiant de « terreau fertile pour des formes contemporaines d’esclavage ».
Obokata a souligné que le système de permis fermés décourage les travailleurs de signaler les abus, tels que le vol de salaire, l’absence d’accès aux soins de santé, les longues heures de travail et le manque d’équipements de protection personnelle adéquats, par crainte d’être expulsés. Ces préoccupations ont été réitérées dans un rapport publié par Obokata en août 2024, qui a également cité des cas de harcèlement sexuel, d’abus physiques et émotionnels et d’exploitation.
Entre 2019 et 2023, le nombre de permis délivrés dans le cadre du programme a augmenté de 88 %, ce qui a conduit à un examen accru. Ottawa a récemment annoncé des plans pour réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires en réponse aux critiques croissantes concernant la structure du système.
Les problèmes affectant les travailleurs étrangers temporaires ont longtemps été discutés. Entre octobre 2020 et décembre 2020, le gouvernement a mené des consultations avec des parties prenantes, notamment des unités de santé publique, des organisations de soutien aux travailleurs migrants, des syndicats, des employeurs et des gouvernements provinciaux, sur la manière dont les partenaires pouvaient collaborer pour améliorer les exigences minimales fédérales en matière de logements fournis par les employeurs.
Le gouvernement a promis de revoir et de prendre en compte les idées et les expériences partagées lors de ces consultations afin d’élaborer des changements proposés au PTET qui se concentreront sur la résolution des préoccupations de santé et de sécurité les plus urgentes exprimées lors de la session.
Soutien des syndicats
Les principales organisations syndicales du Québec, dont la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), soutiennent le recours collectif. Ces syndicats militent depuis longtemps pour les droits des travailleurs étrangers temporaires, arguant que, malgré les protections légales en théorie, les travailleurs font face à un déséquilibre de pouvoir sous les permis fermés et vivent dans une peur constante de représailles.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a déclaré le 15 septembre 2024 qu’elle ne pouvait pas commenter l’affaire, car elle est devant les tribunaux. Le bureau du procureur général a maintenant 30 jours pour décider s’il souhaite faire appel de la décision du tribunal.
Le recours collectif contre les permis de travail fermés met en lumière les vulnérabilités systémiques auxquelles les travailleurs étrangers temporaires sont confrontés au Canada, soulevant des questions sur l’équilibre entre les besoins de main-d’œuvre et la protection des droits humains. La décision de la Cour supérieure de permettre la poursuite de l’affaire pose des questions cruciales sur les droits des travailleurs, les risques d’exploitation et les implications de lier les travailleurs à des employeurs spécifiques dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Foire aux questions : Recours collectif au Québec contre les permis fermés
De quoi s’agit-il dans le recours collectif au Québec ?
Le recours conteste la légalité des permis de travail fermés délivrés aux travailleurs étrangers temporaires au Canada. Ces permis lient les travailleurs à un seul employeur, ce qui, selon les critiques, les rend vulnérables à l’exploitation. Le recours collectif, initié par l’Association des droits des travailleuses et travailleurs domestiques et agricoles, réclame une compensation financière et affirme que ces permis violent les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
Que sont les permis de travail « fermés » et pourquoi sont-ils controversés ?
Les permis de travail fermés restreignent les travailleurs étrangers à un employeur spécifique, rendant difficile tout changement d’emploi sans risquer la déportation. Les critiques estiment que ce système favorise les abus et l’exploitation, car les travailleurs sont moins enclins à signaler les mauvais traitements par crainte de perdre leur emploi et leur statut légal. Ces permis sont particulièrement courants dans les secteurs peu qualifiés comme l’agriculture et les soins, où les travailleurs sont confrontés à des déséquilibres de pouvoir.
Qui mène le recours et quelles sont ses revendications ?
Le plaignant principal, Byron Alfredo Acevedo Tobar, est un travailleur agricole guatémaltèque qui a subi des abus sous des permis fermés entre 2014 et 2022. Il a signalé du harcèlement, un salaire insuffisant, un surcroît de travail et un manque de formation adéquate. Le recours soutient que les permis de travail fermés violent des droits fondamentaux, et l’affaire de Tobar est utilisée pour démontrer comment ces permis exposent les travailleurs à l’exploitation, bien que le gouvernement fédéral conteste l’applicabilité plus large de son expérience.
Comment le gouvernement fédéral a-t-il réagi au recours collectif ?
Le gouvernement fédéral affirme que l’affaire de Tobar ne représente pas les expériences de la plupart des travailleurs étrangers temporaires. Il a cherché à limiter la portée de l’action collective aux travailleurs de l’agriculture et des soins qui ont reçu des permis fermés après 2017. Cependant, les plaignants souhaitent que le groupe inclue tous les travailleurs ayant reçu des permis fermés depuis 1982, date de l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal n’a pas encore statué sur la portée.
Quelles sont les implications plus larges de ce recours pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires ?
Le recours collectif a mis en lumière les préoccupations concernant les vulnérabilités systémiques auxquelles les travailleurs étrangers temporaires sont confrontés au Canada. Les critiques, y compris des organismes internationaux comme l’ONU, soutiennent que le système de permis fermés contribue à des formes modernes d’esclavage en décourageant les travailleurs de signaler les abus. La progression de l’affaire soulève des questions importantes sur l’équilibre entre les besoins de main-d’œuvre et la protection des droits humains, et pourrait inciter à des changements dans la manière dont le Programme des travailleurs étrangers temporaires est réglementé.