Deux ministres fédéraux du Canada disent être à la fois surpris par l’insatisfaction du Québec à l’égard de l’immigration provinciale et désireux de rétablir les faits.
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, et le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, ont envoyé ensemble une lettre au nouveau ministre de l’Immigration du Québec, Jean-François Roberge, le 24 septembre.
Dans cette lettre, ils affirment être étonnés que le premier ministre du Québec, François Legault, considère que les efforts du gouvernement fédéral au cours des six derniers mois ont été insuffisants.
Le premier ministre du Québec a tenté de faire tomber le gouvernement fédéral
L’initiative inhabituelle du ministre fédéral de l’Immigration et du ministre de la Sécurité publique intervient après la tentative de Legault de renverser le gouvernement fédéral et de faire de la réduction de l’immigration temporaire un enjeu central des prochaines élections fédérales.
Au début du mois, le premier ministre du Québec a essayé, sans succès, d’obtenir l’aide d’un parti politique fédéral favorable au nationalisme québécois, le Bloc Québécois, pour renverser le gouvernement libéral de Justin Trudeau.
Cela aurait entraîné des élections anticipées que Legault espérait utiliser pour faire pression sur Ottawa afin de réduire l’immigration temporaire au pays.
Le premier ministre québécois a promis de soutenir un parti politique fédéral uniquement s’il s’engage à réduire l’immigration temporaire au Canada.
« Chaque parti politique aura des engagements à prendre et l’engagement que prendront les partis fédéraux de réduire le nombre d’immigrants temporaires à court terme sera très important pour déterminer si je soutiens ou non un parti politique », aurait déclaré le premier ministre québécois aux journalistes le 20 septembre.
Dans leur lettre adressée à Roberge, dont une copie aurait été obtenue par l’agence de presse La Presse Canadienne, Miller et LeBlanc affirment vouloir « rétablir les faits ».
Les deux ministres fédéraux ont également suggéré que le Québec partage avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) les données dont il a besoin pour identifier les demandeurs d’asile prêts à s’établir en dehors du Québec.
« Nous croyons que cette initiative aurait de meilleures chances de succès si le Québec unissait ses forces aux nôtres pour encourager les gouvernements provinciaux conservateurs à participer, plutôt que d’encourager une motion de censure des Conservateurs de (leur chef) Pierre Poilievre », indique la lettre, selon les informations rapportées.
Province francophone, le Québec soutient qu’il ne peut pas bien accueillir et intégrer tous les immigrants avec le taux d’immigration record actuel au Canada.
Legault a demandé à plusieurs reprises que le nombre d’immigrants temporaires au Québec soit réduit de moitié.
« Au cours des deux dernières années, le nombre d’immigrants temporaires au Québec a doublé, passant de 300 000 à 600 000 », a écrit Legault sur Facebook.
Le Québec blâme l’IRCC pour l’explosion de l’immigration temporaire
« Le gouvernement fédéral est en grande partie responsable de cette explosion du nombre d’immigrants temporaires. Il a été demandé de réduire de moitié le nombre de ceux dont il a la responsabilité. Nous devons réduire le nombre d’immigrants pour protéger nos services publics, réduire la pression sur le logement et protéger la langue française, notamment à Montréal. »
Le nouveau ministre de l’Immigration du Québec et responsable de la langue française, Jean-François Roberge, affirme que la province est confrontée à des défis majeurs en matière d’immigration.
« Cette combinaison de fonctions (que j’occupe) augmentera l’efficacité des actions du gouvernement, ce qui est essentiel dans le contexte particulier où le nombre d’immigrants temporaires explose et où les défis de l’accueil et de l’intégration, ainsi que de la protection du français, sont plus présents que jamais », a déclaré Roberge.
Dans leur lettre, les deux ministres fédéraux ont souligné les changements qu’Ottawa a apportés pour répondre aux préoccupations du Québec, y compris la signature d’un protocole supplémentaire pour l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis.
Cette initiative est entrée en vigueur en mars de l’année dernière et a réduit le nombre de passages illégaux de la frontière canadienne, un problème majeur pour le Québec.
En février de cette année, Ottawa a également introduit une exigence partielle de visa pour les citoyens mexicains, qui représentaient environ 17 % de toutes les demandes d’asile en 2023, ont noté les ministres dans leur lettre.
Depuis lors, le nombre de demandes déposées par des Mexicains a chuté de plus de 75 %.
En juin, le premier ministre Justin Trudeau a rencontré Legault, ce qui a donné lieu à des mesures supplémentaires en matière d’immigration pour aider les demandeurs d’asile à trouver un emploi.
« Par exemple, Emploi et Développement social Canada a ajouté une fonction à la Banque d’emplois pour jumeler les demandeurs d’asile avec des opportunités d’emploi à travers le pays, et cette fonction commence déjà à être utilisée », peut-on lire dans la lettre.
« L’immigration est une compétence partagée, et le gouvernement du Canada recherche une collaboration et des actions concrètes de la part du gouvernement du Québec afin que certains engagements communiqués en juin dernier puissent produire plus de résultats. »
En novembre dernier, Legault a déclaré que l’objectif d’immigration de son gouvernement pour 2024 serait d’environ 50 000 nouveaux arrivants, soit à peu près le même nombre que cette année, dans le but de prévenir l’érosion de la langue française et de la culture québécoise.
« Nous avons choisi… de maintenir les seuils, donc le nombre total d’immigrants permanents acceptés par an à 50 000 », a déclaré Legault en novembre.
La province francophone tente de maintenir le cap sur l’immigration
« Nous avions évalué la possibilité d’augmenter ce nombre à 60 000, mais il est important pour nous de nous arrêter, pour inverser le déclin du français. »
Toutefois, la forte augmentation du nombre de résidents temporaires dans la province a mis en lumière le besoin des employeurs au Québec de trouver des solutions aux pénuries de main-d’œuvre auxquelles ils sont confrontés, ainsi que le désir des universités et collèges de profiter du lucratif marché des étudiants internationaux.
Souvent, ces travailleurs temporaires et étudiants internationaux cherchent ensuite à immigrer au Canada via le système fédéral Entrée express, soit par le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le Programme des métiers spécialisés (fédéral) ou la Catégorie de l’expérience canadienne, ou encore par les Programmes des candidats des provinces (PCP).