Un texte de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne a apparemment été divulgué par une chaîne de nouvelles allemande et il suggère que les autorités canadiennes devront faire face à d’éventuelles contestations judiciaires de sociétés basées en Europe, qui croient que les décisions du gouvernement canadien entravent leur capacité de faire des profits.
Les touches finales à l’accord ont été posées par les négociateurs la semaine dernière, mais le gouvernement Harper n’a pas encore confirmé le moment où les députés et le public canadien pourront connaître ce qu’Ottawa a convenu avec l’UE. Cependant, certaines versions du pacte ont émergé de l’Europe la semaine dernière.
Beaucoup se sont demandé si l’accord devrait inclure un règlement des différends investisseur-État (ISDS), qui est une mesure similaire aux dispositions beaucoup décriées dans le chapitre 11 de l’ALENA, qui permettent aux entreprises multinationales d’aller devant un tribunal spécial qui remplace les tribunaux ordinaires, afin de poursuivre les gouvernements pour les règlements que la société croit être discriminatoires.
La fuite du texte confirme que le Canada et l’UE ont convenus de mesures de l’ISDS dans le cadre de l’AECG. Bien que ces mesures soient bien accueillies par les entreprises, il y a une préoccupation croissante en Europe, sur le fait que cela donnera aux sociétés trop de pouvoir et que les entreprises doivent passer par les procédures judiciaires régulières en Europe ou au Canada si elles veulent poursuivre les gouvernements.
Shannon Gutoskie, porte-parole du ministre du Commerce international Ed Fast, a déclaré: « Le Canada ne commente pas les fuites de textes de négociation supposés. Nous avons publié des ouvrages complets qui décrivent les différents éléments de l’accord et montrent clairement les avantages importants qui seront générés dans toutes les régions du Canada dès l’entrée en vigueur de l’accord. »
L’Allemagne et la France ont notamment soulevé des inquiétudes sur l’affaire et les experts commerciaux estiment que l’UE et le Canada pourraient devoir affiner les dispositions de l’ISDS dans l’AECG pour répondre aux objections européennes, puisque le processus d’approbation finale se poursuivra au cours des deux prochaines années.
Des détails émergeants du pacte suggèrent également que l’AECG est susceptible de soulever plus d’inquiétude sur les règles de passation des marchés, qui limitent la capacité des gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux du Canada, à favoriser les entreprises locales sur un large éventail de contrats de construction, de fournitures et de services. Au cours des dernières années, plusieurs gouvernements locaux à travers le Canada se sont opposés à être soumis aux dispositions de passation des marchés de l’AECG.
Les fuites de textes disent aussi qu’Ottawa a accepté les nouvelles règles concernant les brevets pharmaceutiques, qui pourraient éventuellement faire monter le coût des médicaments d’ordonnance par environ 850 millions de dollars ou plus par année.
« Je pense que ce texte final nous montre que nous avons toutes les raisons d’être préoccupés par l’approvisionnement et l’Etat-investisseur et plusieurs autres dispositions de l’accord. Nous ne semblons pas voir quoi que ce soit ici que permettrait d’atténuer les préoccupations profondes et les critiques que nous avons par rapport à cette soi-disant affaire », a déclaré Brent Patterson, directeur politique du Conseil des Canadiens.
Selon Patterson, la fuite « est vraiment une première occasion pour le public d’être en mesure d’examiner l’affaire de la manière dont nous devrions, occasion qui aurait dû nous être donnée par les gouvernements des mois ou des années auparavant. » Patterson a également déclaré qu’il s’attendait à voir une augmentation de l’opposition à l’AECG maintenant que les détails de la transaction sont de plus en plus disponibles.
Le gouvernement Harper a dit que l’AECG donnera un coup de pouce à long terme à l’économie canadienne par l’ouverture du grand marché européen pour les entreprises canadiennes.
Harper, qui est allé en Europe l’automne dernier, a signé un accord de principe sur l’AECG et va accueillir un sommet Canada-UE à Ottawa le mois prochain, pour approuver officiellement le pacte, qui est maintenant dans sa phase finale du processus d’approbation. Cependant, il doit encore être traduit, juridiquement examiné et ratifié par le Canada et les 28 membres de l’UE avant son entrée en vigueur. Selon des responsables canadiens, cela devrait avoir lieu en 2016.
Cet accord définira également la création de comités Canada-UE sur des sujets tels que la coopération douanière, les marchés publics, les services et l’investissement, les services financiers, le développement durable et la coopération réglementaire pour régler les problèmes qui se posent dans ces domaines.
Le pacte montre également comment les droits douaniers seront éliminés sur une période de sept ans ou plus et expose ce qui sera sans taxes douanières, pour les produits comme les crevettes, la morue congelée et le blé au cours de ce laps de temps.
On estime qu’au moment de la sixième année de l’accord, les producteurs canadiens seront en mesure d’exporter 75 000 tonnes de viande de porc, plus de 45.000 tonnes de viande bovine fraîche et congelée, et environ 18.000 tonnes de fromage à l’UE.
Commentaire de l’avocat Colin Singer: Ces développements vont favoriser la mobilité accrue du personnel des métiers spécialisés entre le Canada et l’UE. Cela favorisera de nouveaux accords sur la mobilité de la main-d’œuvre pour faciliter l’accès au marché du travail canadien et fournira aux ressortissants de l’UE, avec l’abaissement des barrières, un meilleur accès aux permis de travail canadiens et à la résidence permanente au Canada.
Source: Thestar