Selon des économistes, le Québec a de plus en plus recours aux travailleurs étrangers temporaires pour répondre aux besoins de son marché du travail, alors même que la province francophone limite le nombre de nouveaux résidents permanents qui s’y installent.
Dans un rapport de l’Institut du Québec publié ce mois-ci, les économistes Daye Diallo, Mia Homsy et Simon Savard notent que la province mise de plus en plus sur les travailleurs étrangers temporaires pour combler les emplois.
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« Le Québec accueille de plus en plus d’immigrants temporaires en réponse aux besoins de son marché du travail », écrivent-ils en français dans leur profil de l’immigration québécoise.
« Entre 2016 et 2019, le nombre de résidents non permanents – des immigrants jugés temporaires – est passé de 12 671 à 61 668 ».
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Alors que le pourcentage d’immigrants dans la province qui détenaient un statut temporaire n’était que de 9 % entre 2012 et 2016, ce chiffre est passé à 64 % en 2019.
Les économistes attribuent cette tendance à l’élargissement des mesures d’immigration existantes, à une plus grande souplesse et à de nouveaux programmes axés sur le recrutement d’un plus grand nombre de ressortissants étrangers au Québec, y compris des étudiants internationaux et des travailleurs étrangers temporaires pour occuper des emplois qui se font rares.
Ils affirment que le Québec doit entreprendre une analyse approfondie de cette stratégie d’augmentation constante de l’immigration temporaire, car elle pourrait avoir des conséquences involontaires et non désirées.
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« En raison de leur statut précaire, les immigrants temporaires sont parfois confrontés à des difficultés économiques et sociales que les personnes nées ici et les résidents permanents n’ont jamais à affronter (permis de travail lié à un employeur abusif, conditions de travail injustes ou défavorables, méconnaissance des droits prévus par le code du travail, etc. »
Les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) montrent que le Québec a accueilli 50 280 nouveaux résidents permanents l’an dernier.
La moitié des nouveaux résidents permanents au Québec proviennent du programme des travailleurs qualifiés
Environ la moitié de ces nouveaux résidents permanents, soit 25 170, sont issus des programmes de la catégorie économique des travailleurs, dont 25 040 ont immigré dans la province dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés.
Par ailleurs, 13 895 nouveaux résidents permanents sont arrivés au Québec dans le cadre des programmes de parrainage familial et la province a également accueilli 1 605 réfugiés.
Cette année, l’immigration au Québec devrait monter en flèche pour atteindre un niveau record d’environ 71 275 nouveaux résidents permanents, soit une augmentation de plus de 41,7 % par rapport au nombre de nouveaux résidents permanents de l’année dernière, car la province tente de compenser les immigrants qui n’ont pas pu venir au plus fort de la pandémie.
Cependant, le ministre québécois de l’Immigration, Jean Boulet, a minimisé l’augmentation de l’immigration dans la province cette année dans une entrevue accordée au réseau de télévision francophone Radio Canada.
Les groupes d’affaires au Québec veulent plus d’immigration économique
Sous la pression des groupes d’affaires et de l’industrie pour augmenter considérablement les objectifs d’immigration du Québec – une décision désapprouvée par le parti d’opposition Parti Québécois – Boulet a expliqué que l’augmentation de l’immigration de cette année n’était rien de plus que le rattrapage des pertes subies pendant la pandémie de la Covid-19.
« La limite du nombre d’immigrants autorisés, basée sur le plan pluriannuel, limite les nouveaux résidents permanents au Québec à 52 500 par an », a déclaré M. Boulet en français.
En 2020, cependant, le Québec n’a pas été en mesure d’accueillir les 44 000 nouveaux résidents permanents auxquels il avait alors droit en vertu de ce plan pluriannuel. Au lieu de cela, seulement 25 225 nouveaux résidents permanents sont venus au Québec cette année-là.
Le manque à gagner de 18 775 résidents permanents entre ceux prévus dans le cadre de l’objectif d’immigration de 2020 et ceux qui sont effectivement arrivés cette année-là est maintenant ajouté à l’allocation du Québec pour cette année.
L’immigration au Québec atteint ainsi un niveau record, car le manque à gagner précédent est maintenant ajouté aux 52 500 attributions pour cette année dans le cadre du plan pluriannuel.
Même s’il augmente temporairement son niveau d’immigration permanente, le Québec s’attend également à une augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires par rapport aux quelque 30 000 qui ont travaillé dans la province l’an dernier.
Les résidents temporaires au Québec devraient encore augmenter cette année
« Avec les demandes simplifiées et l’ajout de plusieurs professions, métiers qui bénéficieront d’un traitement accéléré pour l’immigration temporaire, il y aura certainement plus (de travailleurs étrangers temporaires au Québec) pour répondre aux demandes des entreprises québécoises », a déclaré M. Boulet.
L’augmentation rapide des objectifs d’immigration de la province est favorisée par la position optimiste d’Ottawa, qui souhaite faire venir des ressortissants étrangers au Canada dans le cadre d’une politique d’immigration ouverte.
Le plan des niveaux 2022-2024 du gouvernement fédéral montre qu’Ottawa prévoit d’accueillir 431 645 résidents permanents cette année, 447 055 l’année prochaine et 451 000 en 2024.
Les groupes d’affaires du Québec sont impatients d’accueillir ces nouveaux travailleurs. Cependant, une réaction négative se fait jour au Québec parmi ceux qui craignent que l’arrivée d’un plus grand nombre d’immigrants ne dilue la culture québécoise de la province.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a demandé un débat sur l’immigration « fondé sur la science et non sur l’idéologie ou de fausses prémisses ».
« Le simple fait de poser des questions sur l’augmentation des quotas d’immigration soulève des implications sur l’intolérance de ceux qui les soulèvent, ce qui crée une atmosphère qui n’est pas sereine », aurait-il déclaré.
La société québécoise doit prendre ses propres décisions en matière d’immigration et répondre elle-même à la question de savoir si plus d’immigration va effectivement créer plus de richesse et augmenter le PIB par habitant, a-t-il dit.