Les entreprises technologiques du Québec affirment qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que les immigrants de la province francophone apprennent le français en six mois seulement – et elles veulent que le premier ministre François Legault mette en veilleuse son projet de loi 96 qui impose cette exigence.
« L’exigence du projet de loi 96 d’apprendre le français en six mois impose un délai irréaliste, alors que les nouveaux arrivants doivent faire face à de multiples défis liés à un changement de vie dans un nouveau foyer au Québec », a écrit le groupe de 37 entreprises technologiques dans une lettre ouverte au premier ministre.
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Le Québec doit mettre en place des supports de formation en français pour les immigrants, selon un groupe d’entreprises
« En tant que fondateurs, PDG et dirigeants des entreprises québécoises à la croissance la plus rapide, nous sommes incroyablement fiers de la culture de notre province. Nous soutenons l’esprit de la loi sur la langue du Québec – qui protège notre identité francophone distincte – mais sa mise en œuvre doit être suspendue jusqu’à ce que le gouvernement mette en place les outils nécessaires au tutorat en français par le biais de Francisation Québec », ont écrit les entreprises dans leur lettre ouverte.
« Cela garantit que l’esprit de la loi peut être appliqué, concrètement, avec succès sur le terrain. »
Les dirigeants du secteur des technologies craignent qu’une exigence trop lourde en vertu des lois linguistiques de la province ne conduise les immigrants hautement qualifiés à contourner tout simplement le Québec, mettant ainsi fin à une source précieuse de main-d’œuvre.
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« Si les meilleurs et les plus brillants innovateurs, technologues et bâtisseurs d’entreprises gravitent vers Toronto, Edmonton, Vancouver et Halifax plutôt que vers Montréal et Québec, la prospérité économique de notre province en souffrira de façon permanente. C’est déjà le cas, mais il n’est pas trop tard pour changer de cap », notent les entreprises technologiques.
Le Québec est confronté à l’une des pénuries de main-d’œuvre les plus graves au Canada, à un moment où le taux de chômage national atteint un niveau record de 5,1 %. Il n’y a jamais eu auparavant aussi peu de travailleurs disponibles pour occuper les emplois vacants au Canada, selon Statistique Canada.
Au Québec, la pénurie de main-d’œuvre est encore plus grave. Dans son Enquête sur la population active d’avril, Statistique Canada note que le taux de chômage au Québec était de 3,9 pour cent ce mois-là.
L’immigration au Québec devrait monter en flèche cette année en raison du manque à gagner pendant la pandémie
Les travailleurs étrangers temporaires, qui constituent généralement une excellente source de main-d’œuvre pour les entreprises, sont très demandés au Québec et la province vise un niveau d’immigration record cette année.
Nous nous attendons à ce que l’immigration au Québec monte en flèche pour atteindre environ 71 275 nouveaux résidents permanents cette année, soit une augmentation de plus de 41,7 % par rapport aux 50 285 de l’année dernière, car la province tente de compenser les immigrants qui n’ont pas pu venir au plus fort de la pandémie.
Plus tôt cette année, le ministre de l’Immigration du Québec, Jean Boulet, a minimisé l’augmentation de l’immigration dans la province lors d’une entrevue avec le réseau de télévision francophone de Radio-Canada, alors qu’il faisait face aux critiques de groupes craignant qu’une immigration trop élevée puisse nuire à la culture québécoise de la province.
M. Boulet a expliqué que l’augmentation de l’immigration de cette année n’était rien d’autre que le rattrapage des pertes subies pendant la pandémie de la Covid-19.
« La limite du nombre d’immigrants autorisés, basée sur le plan pluriannuel, limite les nouveaux résidents permanents au Québec à 52 500 par an », a déclaré Mme Boulet en français.
En 2020, cependant, le Québec n’a pas été en mesure d’accueillir les 44 000 nouveaux résidents permanents auxquels il avait alors droit en vertu de ce plan pluriannuel. Au lieu de cela, seulement 25 225 nouveaux résidents permanents sont venus au Québec cette année-là.
Le manque à gagner de 18 775 résidents permanents entre ceux prévus dans le cadre de l’objectif d’immigration de 2020 et ceux qui sont effectivement arrivés cette année-là est maintenant ajouté à l’allocation du Québec pour cette année.
L’immigration au Québec atteint ainsi un niveau record, car le manque à gagner précédent est maintenant ajouté à l’allocation de 52 500 résidents pour cette année dans le cadre du plan pluriannuel.
Ce niveau d’immigration au Québec – s’il se concrétise – se traduira par 20 990 nouveaux résidents permanents de plus dans la province cette année qu’en 2021.
L’augmentation de l’immigration au Québec intervient alors que la province s’attend également à une augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires par rapport aux quelque 30 000 qui ont travaillé dans la province l’année dernière.
Les dirigeants d’entreprises technologiques craignent toutefois que l’insistance du gouvernement à forcer les immigrants à apprendre le français avant de mettre en place des supports de formation linguistique adéquats ne fasse qu’exacerber les pénuries de main-d’œuvre existantes.
« Si votre gouvernement veut s’assurer que la culture francophone est forte, vous devez soutenir le tutorat en français, accueillir les immigrants et les aider à se connecter à la culture de notre province », ont-ils écrit.
Fonctionner principalement en français est considéré comme un fardeau supplémentaire pour les entreprises ayant des marchés internationaux
« En théorie, votre gouvernement dit que vous créez Francisation Québec pour aider à la transition, mais cela ne sera pas lancé avant l’année prochaine. »
« En réalité, le projet de loi 96 impose déjà un mandat d’apprentissage du français sans offrir de soutien supplémentaire. D’ici à ce que votre gouvernement crée Francisation Québec, la loi aura déjà découragé les travailleurs internationaux de choisir le Québec comme nouvel endroit où bâtir leur vie et fonder une famille. »
« Cela a un impact direct sur la compétitivité et l’attractivité des secteurs les plus critiques et des entreprises les plus prometteuses du Québec. »
Les entreprises technologiques du Québec opèrent principalement sur les marchés internationaux et affirment également que le fait de les obliger à opérer principalement en français créera un fardeau supplémentaire lorsqu’elles travailleront avec des clients et des partenaires du monde entier.
Les employeurs qui souhaitent embaucher un ressortissant étranger peuvent se prévaloir de ce talent et de cette main-d’œuvre internationale par le biais du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et du Programme de mobilité internationale (PMI).
Le programme du Volet des Talents Mondiaux (VTM), qui fait partie du PTET, peut, dans des conditions normales de traitement, aboutir à l’octroi de permis de travail canadiens et au traitement des demandes de visa en deux semaines.
Les employeurs peuvent également faire venir des ressortissants étrangers pour pourvoir les postes disponibles par le biais du système Entrée Express, qui reçoit les demandes d’immigration en ligne.
Les candidats qui répondent aux critères d’admissibilité soumettent un profil en ligne, appelé expression d’intérêt, dans le cadre de l’un des trois programmes d’immigration fédéraux ou d’un programme d’immigration provincial participant, au bassin d’entrée express.
Les profils des candidats sont ensuite classés les uns par rapport aux autres en fonction d’un système de points appelé Système de classement global (SCG). Les candidats les mieux classés sont pris en considération pour l’obtention d’une invitation en vue de la résidence permanente. Ceux qui reçoivent une invitation doivent rapidement soumettre une demande complète et payer les frais de traitement dans un délai de 90 jours.
Le Québec, qui gère son propre système d’immigration, exige que les ressortissants étrangers obtiennent un certificat de sélection du Québec (CSQ) avant de demander la résidence permanente au Canada.