La situation difficile des travailleurs étrangers temporaires au Canada et des entreprises qui les emploient a régulièrement été à l’ordre du jour du gouvernement fédéral tout au long de 2016.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) que les libéraux ont hérité des conservateurs semblait frustrer tout le monde – les travailleurs comme les employeurs ainsi que les militants des droits de l’homme.
Tout au long de l’année, le ministre de l’Immigration, John McCallum, et son équipe d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ont évalué les changements nécessaires pour adapter le programme à ses besoins.
L’objectif était d’atteindre un équilibre entre satisfaire les besoins des entreprises tout en ne donnant pas des emplois à des travailleurs étrangers lorsque des travailleurs canadiens étaient qualifiés pour les remplir.
Saviez-vous?
Le ministre de l’Immigration, John McCallum, et le premier ministre Justin Trudeau, ont utilisé le PTET dans leur vie personnelle. Dans le cas de McCallum, c’était pour embaucher un aidant philippin pour sa mère de 92 ans et dans le cas de Trudeau pour faire venir deux gardiennes pour ses enfants.
Un rapport du Comité permanent sur le PTET, présenté en septembre, après une série d’audiences dans lesquelles toutes les parties prenantes ont été entendues, est arrivé à 21 recommandations pour des améliorations à apporter.
Le principal point d’action du gouvernement a été d’abolir la Règle de quatre ans qui limitait le temps total que les travailleurs pouvaient rester au Canada en vertu du PTET. D’autres changements sont attendus en 2017.
Dans ce rapport, immigration.ca se penche sur une année d’évaluation du PTET touchant les travailleurs temporaires au Canada.
Début 2016: Frustrations avec le PTET
Travailleurs
L’un des principaux défis du PTET est de maintenir les droits des travailleurs tout en offrant un programme visant à les amener temporairement au Canada et, en même temps, à veiller à ce que les Canadiens ne perdent pas de possibilités d’emploi.
L’un des principaux problèmes du programme est le pouvoir que cela procure aux employeurs vis-à-vis des employés, en particulier de ceux qui sont sous contrats spécifiques aux employeurs. On a reporté de nombreux cas de travailleurs temporaires réticents à porter plainte contre leur employeur en raison de ce pouvoir.
On a même reporter des travailleurs qui travaillaient sept jours par semaine sans heures supplémentaires, ou qui étaient logés dans des logements mal entretenus. Il existe des avenues pour se plaindre, mais elles ne sont pas utilisées par les travailleurs puisqu’ils craignent de perdre leur emploi et d’être renvoyés dans leur pays d’origine.
Par ailleurs, les arriérés du Programmes des candidats des provinces, en particulier ceux de l’Alberta, ont causé aux travailleurs temporaires d’atteindre le délai de quatre ans avant le traitement de leurs demandes de résidence permanente, ce qui les obligeait à retourner dans leur pays d’origine ou à devenir illégaux.
Employeurs
Des cas d’abus notoires du PTET ont mené les conservateurs à imposer des restrictions strictes à l’utilisation du programme à travers leurs réformes de 2014. Ces réformes ont créé le Programme de mobilité internationale et ont porté de 250 $ à 1 000 $ le coût d’une Étude d’impact sur le marché du travail – le processus d’évaluation de la disponibilité d’un Canadien pour faire un travail donné. D’autres changements impliquaient la mise en place de plafonds conçus pour réduire éventuellement le nombre de travailleurs étrangers à 10 pour cent de la main-d’œuvre d’une entreprise. Les changements conservateurs ont eu comme effet la baisse considérable du nombre de travailleurs temporaires au Canada, passant de près de 120 000 en 2013 à moins de 75 000 en 2015.
En raison des changements, et en particulier des plafonds, les entreprises, y compris les transformateurs de viande de l’Alberta et les installations de nettoyage de poissons dans les provinces maritimes, ne pouvaient plus fonctionner à pleine capacité. Aucun Canadien ne voulait ces emplois et les plafonds faisaient en sorte que les employeurs ne pouvaient pas emmener des travailleurs à travers le PTET.
Mi-2016: Le gouvernement fédéral relâche les plafonds
Les libéraux ont assoupli le plafond prévu de 10 pour cent avant le 1er juillet 2016, date à laquelle il devait être imposé. Le gouvernement a reconnu que les employeurs s’efforçaient déjà de combler les postes avec un plafond de 20 pour cent et a décidé de ne pas le réduire davantage. En réalité, le relâchement du plafond est arrivé trop tard pour de nombreuses entreprises qui avaient déjà fait les ajustements nécessaires en prévision des plafonds imposés. Beaucoup se sont retrouvés à la case de départ du processus d’embauche après la mise à pied des travailleurs étrangers.
Été 2016: Examen du Comité permanent
Tout au long de l’été, un comité permanent du gouvernement a procédé à un examen du PTET et comment il pouvait être modifié pour résoudre certains des problèmes rencontrés par les travailleurs et les employeurs. Le comité a entendu un certain nombre d’intervenants dans le cadre de l’examen, bien qu’il ait également été critiqué pour ne pas avoir suffisamment examiné le PTET, ce qui constitue un programme crucial pour l’économie canadienne. L’un des principaux aspects de l’examen était de savoir si les travailleurs temporaires devaient avoir un chemin facile vers la résidence permanente. Cette question a divisé les opinions.
Septembre 2016 : Recommandations du Comité permanent
Le comité a trouvé qu’il était difficile d’atteindre un équilibre dans ses recommandations pour le PTET. Il n’a pas réussi à recommander un chemin direct vers la résidence permanente du Canada pour tous les travailleurs temporaires, ce qui aurait été intenable.
Il a laissé entendre qu’il était possible que davantage de travailleurs temporaires deviennent des résidents permanents, surtout ceux qui ont intégré la société canadienne et qui répondent aux besoins du marché du travail. Il est juste de supprimer certaines des barrières à la résidence permanente qui existent seulement en raison de la structure du système d’immigration canadien.
Les 21 recommandations du Comité permanent sont énumérées ci-dessous. Pour une analyse complète, cliquez ici.
RECOMMANDATION 1
Étendre les permis de travail pour les aides familiaux dans le secteur à bas salaires d’un à deux ans.
RECOMMANDATION 2
Examiner le processus de demande d’EIMT en vue d’accroître la rapidité et l’efficacité, en tenant compte de la Classification nationale des professions ainsi que de l’affectation adéquate des ressources à la formation et à la satisfaction des normes de service.
RECOMMANDATION 3
Mettre en œuvre un Programme d’employeur de confiance dans le but de réduire les délais de traitement d’EIMT pour les employeurs qui ont démontré la fiabilité dans leur utilisation du PTET.
RECOMMANDATION 4
Examiner la politique à l’égard des professeurs étrangers qui sont actuellement employés ou qui cherchent un emploi dans un établissement d’enseignement canadien reconnu et dont l’emploi dépend actuellement d’une EIMT, en vue de fournir des exemptions ou des mesures d’adaptation pour cette catégorie de ressortissants étrangers.
RECOMMANDATION 5
Permettre des modifications mineures aux contrats entre les employeurs et les employés du PTET en ce qui concerne la nature du travail et les augmentations de salaire si les deux parties consentent. Les changements ne désavantagent pas le travailleur et Emploi et Développement social Canada est adéquatement informé de tout changement à court terme. Les changements ne doivent pas violer l’esprit de la description du poste de travail.
RECOMMANDATION 6
Restructurer le PTET de façon à ce qu’il améliore les avantages économiques et sociaux pour les Canadiens et les participants du programme. Rétablir le PTET dans des secteurs et des domaines de programmes plus spécifiques qui reflètent adéquatement les réalités des besoins du marché du travail au Canada.
RECOMMANDATION 7
Étudier les répercussions de l’élargissement de la définition de l’agriculture primaire, telle qu’énoncée dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
RECOMMANDATION 8
Examiner et améliorer les mécanismes par lesquels les travailleurs migrants sont amenés au Canada pour occuper à la fois des postes temporaires et permanents, empêchant l’utilisation du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour répondre aux besoins permanents de la main-d’œuvre.
RECOMMANDATION 9
Fournir une exemption sur l’exigence du plan de transition pour 5% de la main-d’œuvre d’une entreprise qui comprend des travailleurs étrangers temporaires à salaire élevé.
RECOMMANDATION 10
Mettre en œuvre des mesures pour assurer l’affectation de ressources appropriées en matière de formation et d’éducation dans les domaines les plus susceptibles de présenter des pénuries de main-d’œuvre et de compétences. De plus, inclure des objectifs d’apprentissage appropriés dans le plan de transition pour les employeurs afin de s’assurer qu’ils respectent leurs obligations en matière de recrutement et de formation pour les Canadiens.
RECOMMANDATION 11
Surveiller les besoins du marché du travail afin d’assurer que les compétences, la formation et la production éducative correspondent aux besoins actuels et futurs du Canada en matière d’emploi de sorte que la dépendance à la main-d’œuvre étrangère diminue. Puis, investir dans une meilleure collecte de données et conservation de l’information sur le marché du travail au Canada pour évaluer adéquatement les besoins de ce marché.
RECOMMANDATION 12
Fixer le plafond du pourcentage de travailleurs étrangers temporaires qu’une entreprise peut employer à un minimum de 20 pour cent, et examiner davantage les considérations sectorielles et géographiques.
RECOMMANDATION 13
Prendre des mesures immédiates pour améliorer la collecte de données sur le marché du travail, puis examiner les zones géographiques utilisées pour déterminer les taux de chômage, en vue d’aligner les conditions du marché du travail des économies plus localisées avec les exigences du PTET.
RECOMMANDATION 14
Prendre des mesures immédiates pour éliminer l’exigence d’un permis de travail spécifique à l’employeur; à condition de mettre en œuvre les mesures appropriées pour s’assurer que la main-d’œuvre étrangère temporaire n’est utilisée que dans le cadre des dispositions existantes du processus d’EIMT, y compris les restrictions sectorielles et géographiques.
RECOMMANDATION 15
Fournir des visas de travail à entrées multiples pour les travailleurs étrangers temporaires embauchés pour un travail saisonnier, dans le but de permettre à ces personnes de bénéficier d’une plus grande mobilité en dehors des saisons; de sorte que lorsque le visa de travail est prolongé, le visa à entrées multiples l’est également afin que les travailleurs puissent continuer à entrer et à quitter le Canada.
RECOMMANDATION 16
- Examiner les voies actuelles menant à la résidence permanente de tous les travailleurs étrangers temporaires, afin de faciliter l’accès à la résidence permanente des travailleurs migrants qui se sont intégrés à la société canadienne et qui répondent aux besoins à long terme du marché du travail.
- Allouer des ressources suffisantes pour permettre le traitement efficace des demandes de résidence permanente des travailleurs migrants embauchés dans le cadre du PTET.
RECOMMANDATION 17
L’IRCC devrait collaborer avec les provinces, les territoires et les autres départements gouvernementaux afin d’accroître le partage de l’information dans le but de créer une plus grande harmonisation entre les programmes d’immigration et ceux de sélection des candidats pour permettre ainsi la collaboration des uns avec les autres. Ces efforts visent à réduire les dédoublements de travail ce qui profitent à la fois au gouvernement et aux demandeurs.
RECOMMANDATION 18
Modifier le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour supprimer les dispositions pertinentes concernant la règle de la « période cumulative ».
RECOMMANDATION 19
Réformer le programme d’Entrée expresse pour permettre aux contrats de travail à durée déterminée d’obtenir le même nombre de points que les contrats de travail permanents, lorsqu’il existe une forte probabilité de maintien d’emploi.
RECOMMANDATION 20
Examiner les mécanismes actuels de surveillance et d’application de la loi, dans le but de remédier aux lacunes dans la conformité des employeurs et de protéger les droits des travailleurs migrants. En outre, on s’efforcera de se soustraire au modèle d’application du programme axé sur les plaintes. L’examen prendra en considération les mesures spécifiques suivantes:
- A) Accroître le partage des ressources et de l’information avec les provinces et les territoires.
- B) Augmenter la fréquence des inspections sur place alors que la main-d’œuvre étrangère temporaire est utilisée.
- C) Créer un système d’accréditation pour les recruteurs, qui devra être conforme aux règles du PTET et par lequel les employeurs pourront choisir de façon exclusive.
- D) Établir un mécanisme de règlement des différends pour les travailleurs migrants en cas de conflit avec un employeur.
- E) S’assurer, à l’aide d’inspections sur place, que les lois et règlements du travail sont dûment appliqués en tout temps et envers tous les travailleurs.
- F) Garantir d’accorder des soins d’urgence lorsque cela est jugé nécessaire au Canada, lorsque des blessures au travail nécessitent une attention immédiate.
RECOMMANDATION 21
Établir des mesures pour assurer que les travailleurs migrants entrants et leurs employeurs soient informés de leurs droits et devoirs dans le cadre du PTET, y compris les procédures de règlement des différends et d’abus, ainsi que les informations sur les salaires, les avantages sociaux, l’hébergement et les conditions de travail. Ces informations doivent être fournies dans la langue de préférence du travailleur migrant.
Décembre 2016 : Mesures initiales du gouvernement fédéral
- La règle des quatre ans a été supprimée avec effet immédiat, comme recommandé par le Comité permanent. En vertu de la règle, les travailleurs temporaires qui étaient au Canada depuis quatre ans devenaient inéligibles pour travailler ici pendant les quatre prochaines années.
Le ministre de l’Immigration, John McCallum, a déclaré à l’époque: « À bien des égards, la règle de quatre ans a placé beaucoup d’incertitude et d’instabilité sur la situation des travailleurs temporaires et des employeurs. Nous avions le sentiment que c’était un fardeau inutile pour les demandeurs et les employeurs, ainsi que pour les agents qui devaient traiter les demandes. Nous croyons que cette importante recommandation du comité exige une action rapide. »
- Un plafond de la main-d’œuvre de 10 pour 100 a été maintenu pour les employeurs qui avaient commencé à utiliser le PTET après le 20 juin 2014. Ceux qui utilisaient le programme avant le 20 juin 2014 auront une main-d’œuvre plafonnée à 20 pour cent. Le Comité permanent avait recommandé que le plafond de 20 pour 100 soit imposé de façon générale. L’exemption sur le plafond pour les industries saisonnières qui requièrent les services des travailleurs étrangers temporaires jusqu’à 180 jours pour l’année civile 2017 a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2017.
- Les employeurs à faible salaire seront tenus de faire connaître leurs postes auprès de groupes sous-représentés, y compris les jeunes, les personnes handicapées, les Autochtones et les nouveaux immigrants. Puisque ces changements ne sont pas encore entrés en vigueur, le gouvernement s’engage à informer les employeurs dès que ceux-ci le deviendront.
Décembre 2016: Changements accueillis
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), ainsi que de nombreuses entreprises canadiennes dans divers secteurs, ont déclaré que les changements aideront à améliorer les droits des travailleurs et aideront les entreprises à obtenir le personnel nécessaire pour fonctionner à pleine capacité.
Autorisation de voyage électronique (AVE)
Le Canada a également trouvé le temps de mettre en place l’autorisation de voyage électronique (AVE) en 2016, après avoir prolongé la période de clémence, car les voyageurs ont dit qu’ils n’étaient pas au courant des nouvelles règles.
Tous les voyageurs des pays exemptés de visa sont maintenant tenus d’obtenir une AVE avant leur voyage au Canada par avion, y compris ceux qui ne font que passer à travers le Canada.
Fait important, le changement signifie également que les Canadiens à double nationalité doivent maintenant utiliser leur passeport canadien pour s’envoler ici. C’est un volet de la nouvelle politique qui a causé une certaine confusion.
Un système d’autorisation spécial est en place pour les personnes prises au dépourvu pendant les vacances. Pour plus d’informations, cliquez ici.
Annonce du secteur technologique
Suite à la rétroaction du secteur de la technologie, qui mentionnait que les délais de traitement des visas étaient trop longs et que cela causait des pertes d’embauche de talents étrangers, le gouvernement a annoncé son intention d’introduire un visa canadien en matière de compétences mondiales au début de l’année 2017.
Le nouveau plan vise à permettre aux entreprises admissibles à obtenir des visas et des permis de travail approuvés à l’intérieur d’un standard de deux semaines – dans le cadre du système actuel, le délai minimum de traitement est de six mois.
Les modifications anticipées prévoient également la création d’un permis de travail de 30 jours qui peut être réparti sur une année, ce qui signifie que les entreprises pourront amener des travailleurs pour des périodes de courte durée sans avoir à demander de nouveaux documents à chaque fois.
Le visa ne s’applique pas seulement au secteur de la technologie, en effet, une indication récente laisse croire que le visa pourra également s’appliquer à des entreprises cibles qui y auront accès par l’entremise du gouvernement fédéral. C’est un domaine à surveiller en 2017.