Le Québec a une position avantageuse en matière d’immigration au Canada, en ce sens qu’il peut faciliter l’embaucher de travailleurs étrangers dans certaines professions. Cette compétence en immigration est unique, et partagée avec le gouvernement fédéral notamment en vertu de l’Accord-Canada Québec et la Constitution canadienne. Elle est d’autant plus vitale dans le contexte de pénurie accrue de travailleurs dans plusieurs secteurs d’activité au Québec, qui est sujet d’actualité depuis plusieurs mois.
Cette prérogative du Québec se manifeste notamment par la Liste des professions admissibles au traitement simplifié, qui permet aux employeurs québécois de recruter des travailleurs dans plus de 200 professions en demande, sans avoir à effectuer des activités de recrutement. Cuisiniers, mécaniciens, ouvriers, ingénieurs…les besoins des employeurs québécois sont nombreux.
Bien que le Québec fasse usage de cette Liste, qui a bien heureusement été mise à jour le 24 février dernier, première mise à jour postpandémique, les défis des employeurs québécois demeurent nombreux.
En tant que praticienne en droit de l’immigration, je ne peux que constater que le Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) tarde à passer à l’ère numérique en ce qui a trait aux travailleurs étrangers.
En effet, cadeau de la double compétence, l’employeur québécois désirant embaucher un travailleur étranger doit non seulement effectuer une demande étoffée au gouvernement fédéral (une Étude d’impact sur le marché du travail), mais aussi au gouvernement provincial (un Certificat d’acceptation du Québec).
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Or, ce Certificat d’acceptation du Québec peut uniquement se soumettre par la poste (!), requiert la préparation de deux formulaires (en français uniquement) à signer par les travailleurs à l’étranger, qui ne comprennent pas toujours le français, surtout au niveau de formulaires complexes, la collecte et préparation de formulaires et documents additionnels à ceux du gouvernement fédéral, et comporte aussi un frais additionnel de 2 paiements de 202$ (total 404$), qui s’ajoutent au 1,000$ pour l’Étude d’impact sur le marché du travail.
De plus, afin que le processus arrive à complétion, les agents de Service Canada, qui traitent les études d’impact sur le marché du travail, doivent se coordonner avec le MIFI afin que la double documentation (Étude d’impact sur le marché du travail et Certificat d’acceptation du Québec), puisse être émise. Ce processus cause ainsi inévitablement une lourdeur administrative, des coûts et bien souvent des délais additionnels pour les employeurs québécois.
C’est donc dire que les employeurs des autres provinces n’ont peut-être donc pas de Liste simplifiée, mais ils s’évitent tout de même une bonne part de bureaucratie supplémentaire, du fait de ne pas être au Québec. Il suffit de regarder tant la démarche générale que la démarche simplifiée pour l’employeur québécois pour embaucher un travailleur étranger afin d’avoir le tournis.
En attendant le jour où le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois puissent travailler de concert en immigration, de la même façon qu’ils arrivent à le faire efficacement en matière de taxation, un passage complet au numérique rapide est pressant pour aider à résoudre les pénuries de travailleurs.
Même la validation d’offre d’emploi par les employeurs pour aider l’accès à la résidence permanente de travailleur étranger est elle aussi à effectuer par la poste. Ce processus est non seulement désuet, mais cause aussi du tort à l’employeur et l’employé, qui peinent à comprendre le suivi de leurs demandes en temps réel et d’avoir des expectatives de délais de traitement.
Comme disait la Coalition Avenir Québec dans son slogan d’il y a 10 ans maintenant, « c’est assez, faut que ça change ».
Rédigé par Isabelle Sauriol, avocate en droit de l’immigration au Canada

